Migraine, mon amour

Peu de gens savent réellement ce qu’est la migraine et quelles en sont les conséquences sur la vie de la personne atteinte. Les maux de tête en général sont relégués au rang de maladies populaires et bénignes. La migraine est une variante des maux de tête. Elle entraine de vives douleurs à un seul côté de la tête. Les personnes atteintes de migraines occasionnelles à chroniques sont appelées « migraineux (ses) ». Oui, la migraine est une maladie.  Les recherches continuent car elle fait partie de ces mystères du cerveau humain non encore résolus par les scientifiques.

La migraine et moi nous sommes rencontrées il y a de cela plusieurs années. Elle est présente à mes côtés aussi loin que remontent mes souvenirs. Simplement, nos débuts ont été plutôt timides. Les visites occasionnelles et hésitantes des premières années se sont muées en une relation solide et durable au fil du temps. Nous avons eu de mauvais jours. Il m’est arrivé de vouloir baisser les bras quand, impitoyable, elle me tordait cet organe, berceau de mon intellect… Avec le temps, nous nous sommes mieux comprises. J’ai appris à la dompter, même si parfois, imprévisible, son naturel revenait au galop…

Adolescente, je vivais encore chez mes parents lorsque commença chez moi une consommation régulière d’antidouleurs. La pharmacie de la maison se situait dans la chambre de mes parents sous leur haute surveillance. Je me rappelle qu’après les cours, je m’y rendais régulièrement pour dérober tantôt de l’aspirine, tantôt du paracétamol. A cette époque, mes migraines n’étaient qu’occasionnelles mais, pour la petite histoire, j’ai toujours eu une immense aversion à la douleur. Ainsi, au moindre signe de migraine, j’avalais des comprimés. La migraine et moi, c’était « je t’aime », « moi non plus ».

A 18 ans, j’obtins mon BAC. Je quittai mon Sahel natal pour le Nord. Si mes deux premières années se sont déroulées sans encombre, à la troisième année, ce fut le drame. J’exagère à peine. La migraine avait pris une place considérable dans ma vie. Une relation tant fusionnelle qu’autodestructrice nous liait. Il m’arrivait de ne pas aller en cours quand, au réveil, je la retrouvais à mes côtés. Elle était redoutable. D’autres fois, je quittais la salle en plein milieu du cours. Je retrouvais mon antre, seule… Non, pas seule, avec ma chère et tendre, migraine, mon amour…

Mon amoureuse a différentes manières de se manifester. Cependant, deux d’entre elles ressortent du lot. Quelques fois, compréhensive face à ma volonté d’être prévenue, elle m’envoie des signaux avant de se manifester réellement. N’est-elle pas attentionnée ? Dans ces moments donc, ma vue se brouille, des semblants d’éclairs apparaissent de manière sporadique. Puis, la douleur s’installe, lentement mais sûrement. D’autres fois, elle monte crescendo en intensité en l’espace de quelques minutes, sans crier gare, sans prévenir…

Lorsque mon amour m’honore de sa présence, la douleur est semblable à un millier de clous que l’on enfonce en cadence dans l’hémisphère droit ou gauche de mon cerveau. Jamais les deux en même temps, jamais… Dans ces moments, les bougies que j’affectionne tant s’éteignent pour laisser place aux ténèbres car ma migraine est pudique. Une seule issue, le lit, l’obscurité, le silence… Et ah, j’oubliais, mes antidouleurs…

A cette période de ma vie, j’avais perdu tout espoir de guérison. Lorsque survenait la crise, je me laissais engloutir dans les ténèbres. Elles étaient de plus en plus fréquentes. Au cours de l’été 2013, notre relation atteignit son apogée. Mon amour m’entourait de ses bras musclés tous les jours. J’écrivais dans un journal toutes les pensées noires qui me venaient lorsque j’agonisais. Et pour cause, quand je me sens mal, j’ai besoin de me sentir encore plus mal…

Ma vie a quelque peu changé à l’automne 2013. Le médecin de ma famille, mon sauveur, m’a trouvé un traitement qui a fait des miracles. A raison de 4 comprimés par jour, je connaissais des périodes d’accalmie allant d’une à trois semaines. Quelle vie de rêve ! Je n’en revenais pas ! Je reprenais des couleurs, je revivais…

Enorme erreur que de croire qu’un amour aussi fort, aussi profond puisse disparaître ainsi… Aujourd’hui, après 5 ans de crises très espacées et modérées, ma migraine est de retour, plus forte que jamais… Je suis résignée alors je m’organise, au rythme de ma migraine, de ses caprices… Elle dirige ma vie… Tantôt elle me mène la vie dure tantôt elle se montre plus compréhensive… Enfin, c’est au gré de ses humeurs. Alors je m’adapte. Qu’est-ce que je ne ferais pas pour elle ? Ma chère et tendre, ma migraine, mon amour…

Faire mes nuits. Eviter d’abuser des écrans. Eviter de surexciter mon cerveau. Eviter de m’exposer trop longtemps au soleil. Eviter les sources de stress. Eviter de parler trop longtemps au téléphone ou de parler trop longtemps tout court. Et encore et surtout, FAIRE MES NUITS, 8 heures au moins, 8h30 au mieux. Oh oui ! Ma chère et tendre est capricieuse. Il ne faut point la froisser. C’est ainsi que je m’organise au gré de ma migraine, au gré de ses envies. Combien de week-end passée au lit car terrassée par une migraine ? Combien de programmes annulés pour cause de migraine ? Combien de disputes inutiles ? Je ne les compte plus…

Il m’arrive de me rebeller, de faire comme les autres, les gens normaux… Dans ces moments de rebellions, je veille la nuit, j’abuse des écrans, j’enchaine les sorties, comme les gens normaux, les gens de mon âge. J’ignore les signaux d’alarme, je snobe les antidouleurs, je n’en fais qu’à ma tête, j’en ai marre ! Alors, toujours, quelques jours plus tard, elle s’abat sur moi, foudroyante, impitoyable, sans vergogne… Elle me cloue au lit, en général pendant 3 jours… Et plus si affinité. Enfin, voilà ! Ce n’est jamais une bonne idée car elle seule commande, ma chère et tendre, ma migraine, mon amour…

Avec passion,

Dyna.