Un Dieu et des moeurs, Elgas

L’histoire…

Lors d’un séjour dans son Sénégal natal, Elgas recueille des témoignages à partir desquels il dégage une analyse sociologique de la société Sénégalaise… Il nous parle du poids de la religion, des conséquences néfastes de l’excision, du lévirat, du sort horrible réservé aux talibés etc.

Mon avis…

Il y a, je l’avoue, quelque chose de troublant dans cette œuvre… Comme si l’auteur, du haut de ses vingt-sept printemps, n’avait plus rien à perdre… Il plane comme un parfum de dernière œuvre dans laquelle, sans langue de bois, on dit tout, juste avant de s’enfermer dans les ténèbres du tombeau… Et pourtant, c’est le premier livre de l’auteur. Je m’explique…

Elgas est cru. Il dissèque la société Sénégalaise point par point. Chaque chapitre est consacré à un fait précis de la société. A travers la vie de ses proches et de personnes qu’il a rencontrées lors de son séjour, il nous invite dans un Sénégal aux multiples facettes. Il n’épargne personne. Il nous parle d’un père brillant, d’un grand homme de lettres dont les ambitions politiques ont fini par le souiller ; d’une mère aveuglée par les traditions et la religion ; d’enfants et de jeunes à l’avenir obscurci par la misère ; de filles mutilées ; d’homosexuels rejetés et lynchés ; de polygamie ; d’enfants exploités (talibés) etc.

L’idée derrière ce livre est brillante. Les auteurs africains se sont souvent cachés derrière des personnages fictifs et des histoires pour exposer les sujets de société en Afrique. Il ne m’a jamais encore été donné de lire un livre dénonçant de manière aussi directe les coutumes et traditions néfastes de l’Afrique. En cela, « Un Dieu et des mœurs » est inédit. J’admire le courage de l’auteur et sa totale transparence sur les faiblesses de ses proches. Cette sincérité dans l’approche insuffle une puissance et une légitimité à l’œuvre.

J’ai globalement apprécié cette lecture à l’exception de quelques petits désagréments que je vous expose ci-dessous :

Sur le fond, j’ai trouvé le livre très instructif. Il offre une vue panoramique de toutes les couches sociales présentes au Sénégal avec simplement une attention particulière accordée aux miséreux. L’auteur offre des analyses poussées pour expliquer les causes et/ou conséquences des différents maux exposés.

En revanche, toujours sur le fond, j’ai moins apprécié les portraits odieux de la femme Sénégalaise dressés par l’auteur dans le portrait 5 intitulé « le sexe des femmes ». Les mots utilisés sont tranchants et le manque d’empathie y est aisément décelable. Enfin j’ignore ce qu’ont été les intentions véritables de l’auteur dans cette brutalité verbale mais sachez que ces passages m’ont profondément troublée.

Sur la forme, j’ai été émerveillée dès les premières pages par le ton parfois poétique employé par l’auteur dans ses descriptions, ainsi que son vocabulaire très riche. Cependant, il en fait trop par moment. Le style m’a paru lourd et les phrases quelque peu surchargées par endroit. Ça finit par essouffler, ça finit par agacer… Je dirais qu’il manquait cette touche de simplicité et d’humilité dans les propos qui me fait admirer et surtout surligner les quelques phrases brillamment rédigées d’une œuvre.

Pour conclure, je dirais qu’il est important pour tout Sénégalais et plus généralement, tout africain de lire cette œuvre. Une prise de conscience est nécessaire à l’heure de la montée des mouvements panafricanistes. Notre culture est belle mais elle n’est pas parfaite. Certaines pratiques sont néfastes pour la santé, d’autres s’opposent à l’émancipation des femmes, d’autres encore retardent le développement tant attendu de l’Afrique.

Joseph Ki-Zerbo disait « A quand l’Afrique ? ». Lisez « Un Dieu et des mœurs » et discutons-en.

Avec passion,

Dyna.