L’Afrique en moi…

“You’re gonna have to do twice as much work and you’re not going to get any credit for your accomplishments or for overcoming adversity. Most black people grow accustomed to the fact that we have to excel just to be seen as existing, and this is a lesson passed down from generation to generation. You can either be Super Negro or the forgotten Negro.”p.7

Dans son livre « We’re going to need more wine », Gabrielle Union aborde plusieurs  problématiques dont celle, pour un noir, d’évoluer dans un milieu majoritairement blanc…

Au collège, il leur a été demandé de lire à tour de rôle et à haute voix un classique américain dans lequel le mot « Nègre » revenait régulièrement. A chaque fois que l’un de ses camarades prononçait le mot, il se retournait pour guetter sa réaction. Cette situation et bien d’autres ensuite créaient un véritable  malaise en elle.

Ce passage a fortement fait écho en moi.

En master, j’étais la seule noire et la seule africaine de ma classe… Nous avons longuement étudié l’économie européenne et mondiale. Lors de l’une de ces séances, le professeur d’économie a projeté un film sur les champs de coton au Burkina Faso… Je me rappelle encore du sujet… Nous parlions des subventions massives accordées par les États-Unis à leurs producteurs locaux entrainant un déséquilibre au niveau mondial…

Des pauvres producteurs locaux se plaignaient, face caméra, de leurs conditions de vie misérables et des injustices qui opèrent dans la fixation des prix.  Je sentais les regards sur moi pendant la projection de ce film… Certains m’épiaient, guettant une réaction ou un mouvement qui trahirait mes émotions… Attendaient-ils une validation de ma part ? Ou simplement était-ce un réflexe sans réelle signification ?

Toujours est-il que j’étais immobile, comme tétanisée… Je n’avais point connaissance du protocole adapté à ce genre de situations alors j’ai continué à regarder droit devant moi en espérant que le film s’achève au plus vite…

Je n’ai jamais vraiment été ramenée à ma couleur de peau dans mes rapports avec mes camarades. Pour autant, je m’étais investie d’une mission… Je portais le poids de tout un continent sur les épaules. Je représentais l’Afrique dans cette classe d’une vingtaine d’âmes et je n’avais pas droit à l’erreur…

Il est vrai que j’ai toujours été exigeante avec moi-même tant sur le plan scolaire que dans toutes mes entreprises… Simplement, cette année-là, je n’étais plus seule. L’Afrique comptait sur moi, le monde me regardait… Ok, je m’enflamme un peu mais bon vous me connaissez, je suis un peu excessive…

En réalité, j’essaie d’incarner au quotidien le changement que j’aimerais voir en Afrique. Encore aujourd’hui, j’ai cette colère en moi… Tous ces commentaires désobligeants sur nos systèmes défaillants, ces plaisanteries autour d’un verre sur la corruption et le manque de discipline, ce paternalisme ridicule des autres états à chaque élection…

Quelques fois, il m’arrive de défendre ce continent avec passion… D’autres fois, la plupart du temps, la vérité me frappe, toujours plus douloureuse… Alors je me tais, la rage me consume… J’en veux à la terre entière, à ces dirigeants malhonnêtes, à ce peuple parfois complice, à ces multinationales sans foi ni loi… Je m’en veux également d’être tant affectée par une situation qui me dépasse…

Oui, je vis l’Afrique au quotidien… Elle est dans tous mes actes, dans toutes mes décisions… Elle occupe mes pensées et transparaît dans mes propos… Je l’incarne et je le revendique…

Je ne pense pas que ce soit le devoir de tout Africain ou tout noir d’adopter la posture que j’ai choisie… Quelques-uns suffisent… N’est-ce pas là une lourde responsabilité que de tâcher d’être irréprochable en toutes circonstances ? Pour moi, cela va de soi… C’est une composante de ma personnalité. Un idéal que je tente d’atteindre régulièrement. Cela peut sembler exagéré pour certains. Je le conçois. Simplement, c’est avant tout un acte de militantisme.

Avec passion,

Dyna.