Les aspirations de la femme que je ne suis pas

Je ne suis pas une femme.

J’ai grandi dans une certaine ambivalence qui a fait de moi la femme que je ne suis pas. Celle qui ne rentre pas dans les cases. L’anomalie.

Ma mère était le prototype de la femme africaine. Elle a fait de longues études et a assez lu dans sa jeunesse. Mais, elle est restée fidèle aux valeurs et traditions que lui ont inculquées ses parents et la société dans laquelle elle a grandi. Selon elle, une jeune fille se doit d’apprendre à cuisiner et à bien tenir une maison.

Elle a, tant bien que mal, tenté d’arriver à ses fins. Mes sœurs et moi étions parfois emmenées à faire le ménage durant les vacances scolaires. A la reprise des cours, tout s’arrêtait car mon père misait plutôt sur l’éducation. D’ailleurs, il nous rappelait parfois qu’il bénirait nos mariages à condition de lui apporter un diplôme et un emploi stable. Nous avions interdiction d’approcher la cuisine en période scolaire. J’appris à cuisiner bien plus tard, à l’université.

Cette éducation n’a pas prédéterminé ma place dans le monde. Je n’avais aucune barrière.  Cependant, avec le temps, j’ai compris que je tentais d’occuper une place qui ne m’était pas destinée. Cela m’a valu bien des critiques.

Certains m’ont reproché ma décision de faire de longues études. Une femme non mariée et trop instruite, quel gâchis ! D’autres pensent que je suis excessivement ambitieuse car j’aspire à de grandes choses sur le plan professionnel. C’est évident, une femme ne doit pas trop se faire remarquer. Mes nombreux voyages ont également suscité des commentaires car une femme se doit de rester tranquille. J’exerce une profession prenante avec des horaires tardifs. Pour eux, ce n’est pas un métier de femme. Qui va s’occuper de mes enfants ? La liste n’est pas exhaustive.

Ces agressions verbales me font doucement sourire. Mon désir de liberté est plus fort que jamais. Si mon éducation est pour beaucoup dans le façonnement de mon esprit et ma perception du monde, je ne saurais négliger le rôle qu’ont joué la lecture et mes séjours à l’étranger. Ces fenêtres sur le monde m’ont par exemple ouvert les yeux sur la situation précaire des femmes dans le monde.

Dans certains pays, les femmes jouissent d’une très grande liberté et prônent une certaine égalité avec les hommes ; dans d’autres, les droits des femmes sont en recul. C’est le cas notamment en Russie avec la dépénalisation des violences conjugales ou en Inde où les aspirations professionnelles des femmes sont de plus en plus réfrénées au profit d’une vie de femme au foyer.

Toutes ces injustices m’ont poussée à réfléchir à l’idéal que je souhaiterais nous voir atteindre. Je ne prétends pas parler au nom de toutes les femmes. Loin de moi l’idée de me substituer à elles. J’entends simplement apporter ma contribution à la réflexion.

Notre rôle ayant longtemps été réduit aux tâches ménagères, il nous est indispensable de rattraper le retard accusé et de prendre toute la place qui nous est due. Nous devons absolument nous instruire et ce, même en dehors de l’école. Il n’est pas rare, encore aujourd’hui d’entendre des hommes affirmer avec condescendance l’infériorité intellectuelle de la femme, dirigée par ses émotions plutôt que par sa raison. Un jeune français a d’ailleurs rédigé une thèse sur un éventuel déclin mondial si les femmes venaient à prendre le pouvoir. Nous en sommes encore là en 2020.

Par ailleurs, les systèmes de parité mis en place dans certains États prouvent une absence significative des femmes dans le paysage politique. Au départ, j’étais contre ces quotas. Nous devions absolument nous démarquer par nos compétences. Avec le temps, et suite à un échange avec une personne de bonne foi, j’ai revu ma position.  Ce genre de systèmes est nécessaire si l’on entend rattraper le retard accusé par les femmes déscolarisées au fil des années. De plus, en l’absence de ces règles, le patriarcat préférera naturellement maintenir sa position dominante.

Ces avantages doivent cependant être temporaires. Il appartient aux femmes de s’engager davantage dans le débat politique. Nous nous devons d’investir plus largement toutes les sphères contribuant au développement de nos pays. Des personnalités politiques comme la malienne Aminata Dramane Traoré sont des femmes qui inspirent de par leurs prises de position courageuses.

Aujourd’hui, les femmes travaillent de plus en plus. Celles qui aspirent à embrasser des carrières brillantes doivent s’en donner les moyens. En aucun cas notre sexe ne doit déterminer notre position sociale ou notre niveau d’étude ou de responsabilité. L’autonomie financière est un gage de l’épanouissement personnel de la femme et elle accroît sa confiance en elle-même.

Ces nouvelles opportunités qui s’offrent à nous nous conduisent naturellement à nous questionner sur les problématiques de gestion du foyer ou de l’éducation des enfants. Ce sont d’ailleurs les arguments avancés par certaines personnes (tant des hommes que des femmes) pour justifier la nécessité pour la femme d’écourter ses études ou de choisir un emploi salarié aux horaires convenables.

Ces questionnements sont parfaitement légitimes. Il ne s’agit pas d’inciter les femmes à abandonner leur foyer ou l’éducation de leurs enfants au profit de leur carrière. A mon sens, c’est un équilibre à trouver dans chaque foyer. Les hommes devront faire des concessions sur certains privilèges afin que les femmes puissent davantage s’épanouir. Ainsi, la complémentarité demeurera ; l’équilibre sera préservé.

Ceci est un début de réflexion. Celui de la femme que je ne suis pas.

Cela dit, il est évident que nous n’avons pas toutes les mêmes aspirations. Chaque choix doit être respecté. Certaines femmes veulent consacrer le minimum d’années aux études afin d’intégrer plus rapidement la vie active. D’autres s’épanouissent pleinement dans la gestion de leur foyer et dans l’éducation de leurs enfants ; elles préfèrent être femmes au foyer. D’ailleurs en ces lieux, elles ont un pouvoir non négligeable. Celui de contribuer à la construction de lendemains meilleurs en éduquant différemment leurs filles et leurs garçons. Cet aspect mériterait un article entier.

En définitive, la lutte doit être menée à tous les niveaux.

Avec passion,

Dyna.