La polygamie au Cameroun et au Zimbabwe : entre contraintes et choix

Oui, encore la polygamie. Le sujet est vaste et varie d’une contrée à l’autre. Je n’ai peut-être pas fait le tour de la question mais je suis en bonne voie de devenir une experte en la matière. Chaque nouvelle œuvre m’apporte un autre angle de vue. Je suis complètement bluffée par toutes ces auteures qui arrivent à apporter un regard neuf sur un sujet traité maintes fois déjà.

Après le Sénégal, le Nigéria et le Mozambique, c’est au tour du Cameroun et du Zimbabwe de m’éclairer sur leur rapport à la polygamie.

La première œuvre, « Les impatientes » de la camerounaise Djaïli Amadou Amal a été couronnée du Goncourt des lycéens 2020. On y rencontre trois femmes aux destins liés, Ramla, Hindou et Safira. Ramla est arrachée à son amour de jeunesse et mariée de force au mari de Safira. Hindou, la cousine de Ramla est donnée en mariage à son cousin contre son gré.

Le livre aborde plusieurs thèmes importants. L’un d’eux m’a tout particulièrement marquée et constitue la force de ce roman : la violence des femmes les unes envers les autres. Elle déborde de partout, se propageant telle une gangrène entre les mères et leurs filles, les belles-mères et leurs brus, les épouses. Elle les empêche d’avancer, les torture, les détourne de l’essentiel et surtout les maintient sous le joug du patriarcat. Diviser pour mieux régner.

« Moubarak a, sous mes yeux, des relations avec sa maîtresse dans la chambre conjugale. Mais c’est moi, la fautive. C’est moi qui manque de patience ! Moubarak a ramené sa maîtresse au foyer conjugal, et c’est la faute de mes marâtres qui ont dû me jeter un sort. C’est la faute de ma belle-mère qui me déteste, c’est la faute de cette fille qui l’a charmé, c’est la faute de ma mère qui n’a pas su se protéger ni me protéger. »

p.124

L’écriture de Djaïli est d’une simplicité touchante. Elle n’use pas de fioritures. Elle mise tout sur les émotions et y parvient. Le roman est tout simplement bouleversant. Il est également révoltant par endroit. L’auteure tente de nous faire réagir. C’est un succès. Au fil des pages,  la frustration m’envahit. Je veux hurler avec les impatientes, joindre ma voix à la leur afin que les injustices cessent.

La zimbabwéenne Sue Nyathi avec son roman « The polygamist » est moins dans un cri de désespoir mais davantage dans une polygamie voulue ou calculée. Quatre femmes d’âges et de statuts sociaux différents se retrouvent liées à un même homme, Jonasi Gomora, éminent financier. Joyce, première épouse, pense vivre un mariage parfait jusqu’à ce qu’elle découvre l’existence de Matipa, jeune fille ambitieuse, assoiffée de pouvoir et d’argent. Tout le monde ignore l’existence d’Essie, la seconde épouse résidant dans le township où Jonasi a grandi. La petite dernière, Lindani n’a qu’une envie, c’est de devenir l’épouse d’un riche homme d’affaires.

Je pense que l’un des thèmes les plus marquants de ce livre portent sur les avantages que peuvent tirer les femmes de la polygamie. La pratique y est présentée comme un simple business dans lequel les plus ingénieuses ressortent vainqueurs. Il est très peu question d’amour finalement comme on le voit souvent dans les cas de polygamie.

« Where would i get another technocrat to top Jonasi’s look and wealth ? I promise you if Jonasi left me I had to make sure the next man I got into a relationship with had more money and more power than Jonasi. But where in Zimbabwe was I going to get a man who could outrank Jonasi unless I dated the president himself. »

p.45

C’était également très intéressant de voir la polygamie dans un contexte moderne avec des personnages instruits et très ouverts sur le monde. Le livre nous brosse également un portrait de la déchéance zimbabwéenne avec l’effondrement progressif de l’économie et l’impact sur la vie des populations.

Le livre n’a pas été traduit en français mais il reste très accessible. L’histoire est palpitante et fluide. Le roman est polyphonique ce qui permet d’avoir le point de vue de plusieurs personnes sur un même événement.

A lire absolument !

En attendant, je continue mon exploration du sujet.

Avec passion,

Dyna.