De la tyrannie de l’apparence : jugement, discrimination, ostracisme

Si, l’habit fait bel et bien le moine et nous nous fions toujours aux apparences.

En France, les règlements intérieurs des établissements scolaires (collège et lycée) ont la possibilité d’imposer un code vestimentaire aux élèves. Il y a quelques mois des lycéennes et collégiennes se sont rebellées sur les réseaux sociaux contre certaines de ces mesures. Une élève de 3e a été soumise à la procédure disciplinaire à cause d’une robe et d’un débardeur jugés « inadaptés ».

Les voix qui s’élèvent contre ces mesures, visant principalement les filles, estiment que la notion de tenue décente véhicule l’idée dangereuse que le harcèlement sexuel se justifie par la façon dont les filles s’habilleraient.

Rien d’étonnant à cela. Notre apparence a toujours eu un impact considérable sur la perception qu’ont les autres de nous. Elle est utilisée par les dominants pour restreindre les libertés des dominés, oppresser les minorités ou encore nourrir les inégalités.

Concernant l’exemple cité plus haut, il est sans doute plus facile de demander aux dominées de se couvrir plutôt que de sanctionner ou de simplement mieux élever les dominants. Ainsi l’ordre établi au sein du patriarcat demeure. De plus, une femme qui porte des tenues courtes est forcément de mœurs légères. Cela démontre notre incapacité à voir l’autre autrement qu’à travers le prisme de nos propres croyances.

Le regard porté sur le style vestimentaire peut également varier d’une culture à une autre. Le site internet chapeauxetcasquettes.fr retrace l’histoire des différents types de chapeaux dans le monde. Par exemple, aux États-Unis, la casquette de baseball a connu un développement foudroyant entre les années 1910 et 1930 à l’époque de Babe Ruth, grand joueur américain de baseball. Au début des années 90, elle est devenue un véritable accessoire de mode propulsée notamment sur le devant de la scène quand le hip hop se l’est appropriée.

Aujourd’hui, la casquette de baseball est tout aussi représentative de la culture américaine que McDonald’s et Coca-Cola. Pourtant, lorsque l’on s’éloigne du continent américain et que l’on s’intéresse à un pays comme le Mali, le regard porté sur la casquette est totalement différent. En dehors du cadre sportif, porter une casquette lors des visites en famille par exemple peut être très mal perçu. Dans les croyances populaires, les enfants de bonne famille ne s’habillent pas ainsi.

Quant à la France, c’est à géométrie variable. En fonction de la couleur de peau de celui qui la porte, le regard de la société diffère. Un homme noir portant une casquette et des baskets est facilement associé à une racaille. Il ne viendrait pas à l’idée de penser cela d’un homme blanc.

Cet exemple démontre bien que ce n’est pas tant la casquette le problème mais le regard et le jugement portés par la société. Cette volonté de toujours imposer la culture dominante et d’étouffer toute créativité.

La société dans laquelle j’ai grandi m’a appris à me méfier des rastas. Ce sont forcément des drogués, des personnes peu recommandables. La majeure partie des gens ignore qu’il y a toute une culture rasta, une manière de vivre et d’appréhender le monde. Dans l’imaginaire collectif, il s’agit de personnes arborant des dreadlocks et fumant de la marijuana. Pourtant, tout ceci a une signification spirituelle.

L’une des significations attribuées aux dreadlocks trouve sa source dans la bible. Plusieurs passages interdiraient aux croyants de couper leurs cheveux et leurs barbes. Quant à la marijuana, elle est utilisée pour éveiller les consciences et l’âme dans un contexte méditatif. En consommer devient donc un véritable acte spirituel mais aussi politique et social en réponse à son interdiction par les colons britanniques à l’époque.

Si aujourd’hui, toutes les personnes arborant des dreadlocks ne font pas nécessairement partie du mouvement rasta, la perception de la société reste globalement la même, les préjugés demeurent. Nous avons tendance à rejeter tout ce qui ne nous ressemble pas et la paresse intellectuelle nous empêche d’aller au-delà.

L’apparence est également utilisée pour stigmatiser un groupe de population. Ainsi, en France, un questionnaire circulant dans une université et servant à identifier de présumés salafistes avait créé la polémique sur la toile. Dans les signes distinctifs de salafisme étaient cités chez les hommes la barbe bien fournie ou encore le pantalon court.

Le problème est que ces deux éléments constituaient l’apparence du prophète Mahomet. Ce sont donc des comportements vivement encouragés en islam. En associant aveuglément cette apparence au salafisme, les auteurs de ce questionnaire ont conduit à une stigmatisation d’une grande partie de la communauté musulmane de France.

En réalité, dans une société, nous sommes constamment contraints de nous conformer aux exigences du groupe majoritaire. Avec la globalisation, les tendances sont dictées par les plus puissants. Nous nous dirigeons de plus en plus vers un monde uniformisé ne laissant aucune place à la diversité et où faire preuve de singularité est en soi un acte de militantisme.

Avec passion,

Dyna.