Terre Ceinte, une réflexion philosophique sur la nature humaine

J’ai récemment lu le roman “Terre Ceinte” du Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr. Après avoir tourné la dernière page, je savais d’ores-et-déjà que j’allais le relire, peut-être même plusieurs fois.

Ce livre est un chef-d’œuvre absolu. Mon esprit était en constante ébullition. Il m’arrivait de prendre une pause afin de saisir toute l’essence de ses propos. Je revenais parfois en arrière pour faire le lien entre deux idées importantes. Une expérience inédite chers lecteurs !

J’avais adoré le côté tragique et théâtral de son roman « De purs hommes ». C’est donc sans crainte particulière que je me suis lancée dans cette lecture.

Tout part d’un fait divers réel.

Nous sommes en 2012. Le nord du Mali est envahi par les fanatiques religieux. L’état déserte les lieux et la charia y est instaurée. Un couple, accusé de concubinage, est lapidé par les fanatiques sur la place publique.

Mbougar Sarr, touché par cette tragédie, s’en inspire. L’histoire se déroule dans une ville imaginaire nommée Kalep (contraction de Kidal, ville du nord du Mali et Alep, ville de syrie). Elle ressemble en tous points aux événements qui ont secoué le Mali durant cette période. D’ailleurs, le roman s’ouvre sur la lapidation d’un couple.

Nous suivons sur 350 pages les populations de Kalep enfermées dans un cycle de violence. Elles sont soumises à des règles strictes dont le non-respect conduit au châtiment sur la place publique conformément à la loi coranique : lapidation, mutilations etc.

Kalep, avec ses rues désertées, était une ville triste. […] Kalep n’offrait plus au regard que son allure fantomatique. Ses grandes rues perdaient de leur majesté, et leur vide avait quelque chose de ridicule; […].

p.255

Dans ce chaos ambiant, une bande d’intellectuels décident de résister. Ils créent un journal clandestin afin d’insuffler une envie, un besoin de révolte chez les populations.

Ces intellectuels, lors de leurs échanges clandestins, se questionnent sur des sujets fondamentaux : qu’est-ce que le peuple ? Que doit-on attendre de lui ? Doit-on se laisser porter par ses idées ?

Il y a également en parallèle et ce, tout au long de l’ouvrage, une relation épistolaire entre les mères du défunt couple. Ces femmes se questionnent sur la nature humaine et s’assistent mutuellement dans leur processus de résilience.

C’est dans ces échanges que réside toute la puissance de l’œuvre. Ils lui confèrent toute une dimension philosophique. C’est une véritable invitation à l’introspection et au questionnement de nos croyances.

Mbougar Sarr réussi également un coup de maître en nous offrant des personnages marquants et complexes.

Le chef des fanatiques religieux Abdel Karim est tout simplement inoubliable. L’auteur nous dépeint un homme d’une très grande intelligence, passionné voire habité par sa religion, qui se bat pour un idéal. Sans tomber dans une quelconque apologie du terrorisme, il rend toute leur humanité à ceux que l’on qualifie de monstres tant leur réalité semble éloignée de la nôtre.

Enfin, je ne saurais conclure sans évoquer la délicieuse plume de l’auteur. Il nous livre cette tragédie dans un langage doux et poétique. Que dire, ce livre est une véritable œuvre d’art en tous points.

J’aborderai dans les prochaines publications deux thèmes qui m’ont particulièrement marquée.

Avec passion,

Dyna.