Home ou la puissance destructrice de la mémoire

J’avais décidé de lire les œuvres de Toni Morrison dans l’ordre afin de ne rien perdre de son évolution intellectuelle. Certains personnages se retrouvent d’ailleurs dans plusieurs livres. Cela me semblait être une bonne idée.

Puis ce fut la panne de lecture. Et comme Morrison m’avait complètement bouleversée avec son œuvre magistrale “l’œil le plus bleu”, je me suis dit que ce serait elle qui me sortirait de ma misère.

C’est donc sans grande appréhension que je me suis plongée dans “Home” décrit du reste comme un chef-d’œuvre absolu.

Dans ce court roman de moins de 150 pages, nous suivons un Noir, brisé par la guerre de Corée, qui traverse l’Amérique pour venir en aide à sa soeur et la ramener dans leur ville natale. L’histoire se passe dans l’Amérique ségrégationniste des années 1950.

C’est le dixième roman de Toni Morrison et on y retrouve la plupart des thèmes qui lui sont chers : la violence du racisme, l’extrême précarité des afro-américains, le syndrome post-traumatique des anciens combatants Noirs livrés à eux-mêmes etc.

L’histoire fait également ressortir le rôle prépondérant de la mémoire dans la construction de l’Homme et les traumatismes qui peuvent en résulter.

J’ai tout de même décelé une nouveauté par rapport aux deux autres œuvres lues (La deuxième étant “Sula”). Toni Morrison a exploré avec une très grande subtilité l’utilisation du corps des femmes Noires comme cobayes par des médecins Blancs.

En somme, elle a réussi la prouesse de faire tenir dans un texte court des thèmes fondamentaux et centraux dans les luttes afro-américaines.

Sur le fond, je suis assez conquise. J’ai énormément apprécié l’approche et la subtilité avec laquelle elle abordait des thèmes graves. 

J’ai eu plus de mal sur le plan esthétique et émotionnel. Des événements abominables étaient décrits sans que cela n’ait un quelconque impact sur moi. A aucun moment, je n’ai été émue ou émerveillée par un passage. Je ne me suis attachée à aucun personnage.

Il me semble pourtant que le but d’un tel roman est avant tout de susciter de vives émotions chez le lecteur, de l’interpeller voire de le choquer afin qu’il y ait une prise de conscience. Pari raté sur celui-ci.

Après trois livres lus de Toni Morrison, je reste sur ma position de départ : “l’œil le plus bleu”, son premier roman, est son œuvre magistrale.

Avec passion,

Dyna.