Dieu que je hais la guerre : hommage au peuple afghan

Paris, août 2021.

J’écoute depuis ce matin, avec horreur et une douleur vive, des témoignages d’Afghans qui tentent de fuir le pays sans succès. Je suis dans un café et mes larmes coulent.

Le principal responsable de ce chaos a quitté le pays. Les puissants, les riches s’en sortent toujours. Les populations, les pauvres populations, les marginalisés, les « rebuts » pour certains téméraires se retrouvent piégés. Rien de nouveau sous le soleil.

Je vais m’arrêter là au risque de retomber dans mes travers : faire une apologie démesurée et assumée de l’humain en opposition frontale au capitalisme, à l’élitisme et toute cette panoplie de concepts pour personnes distinguées.

Les États, les puissants de ce monde, détournent les yeux, ferment leurs frontières. Ceux-là même qui invoquent régulièrement les droits de l’homme. Enfin quand ça les arrange.

La guerre m’effraie. Le manque de solidarité internationale m’attriste. Les vies ne se valent pas. L’humanité est sélective.

Cela me rappelle avec violence un souvenir poignant. Alors que je lisais « l’autre moitié du soleil » de l’auteure Nigériane Chimamanda Ngozie Adichie, le Mali était en proie à une guerre. Les fanatiques avançaient vers la capitale. Des armes circulaient à Bamako. Un attentat avait eu lieu en plein cœur de la capitale.

Dans ce livre donc, Chimamanda décrit comment la guerre affecte la vie de personnes ordinaires. On assiste à la déchéance d’une famille aisée contrainte d’abandonner sa maison et d’errer dans le pays à la recherche de biens de première nécessité. C’est tout simplement effroyable. Il n’y avait plus de couleur de peau, plus de classe sociale, rien que la guerre, ses ravages, sa laideur et cette volonté sauvage de survie.

Cela a été pour moi un réel traumatisme. J’avais peur que Bamako tombe. Je me demandais ce qu’il allait advenir de mes parents. Je me surpris à réfléchir aux conditions d’accès au statut de réfugié en France. Il me fallait être prête à venir en aide à mes parents. J’en étais là.

En prenant connaissance de la détresse du peuple afghan, je repensais à ce roman de l’auteur algérien Yasmina Khadra, « Les Hirondelles de Kaboul ». On y découvre des individus ordinaires aux espoirs déchus par la guerre et l’obscurantisme religieux. Les Talibans veillaient « sur les ruines brûlantes de la cité millénaire de Kaboul ». Il y a aussi « Mille soleils splendides » de l’écrivain américano-afghan Khaled Hosseini. Une belle immersion en terre afghane avec les grands événements qui ont marqué le pays.

Toujours assise dans le café, mes larmes ne coulent plus. Voltan vient de m’appeler. Il sait trouver les mots à sa façon.

Je repense à présent à la guerre, à toutes ces existences abrégées, à tous ces êtres anéantis, brisés. Mes pensées me ramènent à un livre, « Frère d’âme » de l’écrivain français David Diop. On y découvre l’horreur de la première guerre mondiale dans les tranchées. L’absurdité de la chose, la déshumanisation d’innocents. Ce livre me conduit à la réflexion. Le service militaire obligatoire est-il légitime ? Quid des libertés individuelles ? A ce jour, je n’ai pas de réponse.

Dieu que je hais la guerre ! Cette haine me pousse à me questionner à travers un ouvrage « Pourquoi la guerre ? ». Il s’agit d’une correspondance entre Sigmund Freud et Albert Einstein. Quoi de mieux que de questionner des esprits ingénieux, des génies de notre époque ou d’un autre temps ? Ils me confortent dans mon idée de départ et exposent les intérêts en jeu. C’est souvent une question d’argent, c’est toujours une question de pouvoir. Elle est où notre humanité ?

Je m’éternise dans le café. Je tente de me remettre de mes émotions. Mes pensées me ramènent à « Terre Ceinte » du Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr. Les populations d’une ville imaginaire y tombent sous le joug de fanatiques religieux. Les femmes perdent leurs droits, les criminels sont lapidés sur la place publique. Je repense à la détermination de ce peuple imaginaire, à l’association d’une poignée d’intellectuels en vue de combattre l’obscurantisme religieux.

C’est cela que je souhaite au peuple afghan. J’espère que quelque part à Kaboul ou ailleurs, des personnes s’organisent, intellectuels, paysans, ouvriers, hommes, femmes afin que plus rien ne puisse altérer la quiétude de ce peuple qui a déjà tant souffert.

Aux femmes et aux hommes d’Afghanistan.

Avec passion,

Dyna.