Appauvrir un pays africain : mode d’emploi avec Aminata Dramane Traore

Aminata Dramane Traore est une femme politique malienne. Psychosociologue et femme d’entreprise, elle a occupé le poste de ministre de la culture et du tourisme du Mali. Ses prises de position affirmées sur la situation critique de l’Afrique et sur la condition de la femme africaine lui ont valu une reconnaissance sur la scène internationale.

J’ai fait sa connaissance lors de son passage sur la chaîne Youtube Thinkerview. Je dois avouer que j’ai été émerveillée de voir une femme africaine parler avec tant d’éloquence et d’aisance de sujets politiques. Elle m’a inspirée et m’a incitée à évoluer dans ce sens. Comme vous le savez sans doute, j’aimerais que les femmes investissent davantage la scène politique, qu’elles aient moins peur et assument enfin leur potentiel. 

C’est dans ce cadre que j’ai décidé de m’imprégner des oeuvres de Aminata Dramane Traoré. J’aimerais comprendre puis partager ses analyses et sa vision.

J’ai entamé mon étude avec son premier ouvrage, « l’étau » publié en 1999 alors qu’elle était ministre de la culture du Mali. Elle y analyse la situation économique du Mali et plus largement de l’Afrique en dénonçant le poids exorbitant de la dette directement en lien avec le double jeu des institutions de Bretton Woods.

« L’Afrique mutilée », court texte d’une soixantaine de pages paru en 2012, s’inscrit dans la même lignée en y incluant les notions de démocratie et d’inclusion des femmes.

En somme, ces deux ouvrages nous éclairent sur les mécanismes utilisés par les pays riches pour appauvrir les pays dits du sud et plus précisément ceux de l’Afrique subsaharienne. J’ai énormément appris même si j’ai trouvé que l’auteure se répétait un peu trop.

Dans ce qui suit, je vous expose dans les grandes lignes une partie de ces mécanismes qui ne laissent aucune chance au pays victime.

Les « développeurs » viennent, tels des messis, vanter l’efficacité de leur modèle économique et la nécessité de l’adopter pour « se développer ».

Pour y parvenir trois étapes simples :

  1. Faire des emprunts pour financer ledit développement auprès des institutions de prêts du « développeur ».
  2. Investir cet argent dans des équipements, des biens et services et acheter des expertises nécessaires au développement auprès des entreprises du « développeur ».
  3. Le sous-sol africain étant riche, continuer les exportations massives afin de garantir la solvabilité de l’Etat. Le « développeur » étant le principal acheteur et celui qui fixe les prix de l’échange.

Ce prix, censé permettre au pays d’être solvable est fixé par celui qui lui a octroyé le prêt. L’échange est inégal. De plus, les maigres recettes tirées de l’exportation sont mal gérées et dilapidées par les élites locales. Elles ne permettent pas de faire face au service de la dette en face et aux autres dépenses essentielles de l’Etat (éducation, santé, eau, assainissement etc.). 

Un rééchelonnement de la dette s’impose. De rééchelonnements en rééchelonnements, le pays perd sa souveraineté économique et politique car Les institutions prêteuses des « développeurs » imposent des garanties :

  • Libéralisation de l’économie : réduction de la main mise de l’Etat et donc présence accrue des « développeurs ».
  • Privatisation massive par les entreprises des « développeurs ».
  • Renoncement aux dépenses ne contribuant pas à la croissance économique à savoir l’emploi des salarié dans la fonction publique, l’agriculture familiale et vivrière, l’éducation, la santé, l’eau etc.

Dans « l’étau », Aminate Dramane Traoré aborde la question de ces garanties qui constituent en réalité des programmes d’ajustements structurels (PAS). Les institutions de Bretton Woods imposent également ces PAS aux pays africains désirant obtenir des financements. Ces mesures sont censées permettre au pays en difficulté d’améliorer sa situation économique, d’être compétitif, d’attirer les investisseurs étrangers et de réduire son déficit public. En réalité, elles se font au détriment des populations avec le gel des recrutements, l’arrêt des dépenses sociales relatives à l’éducation, la santé, l’assainissement etc. et toujours une perte de souveraineté de l’Etat.

Face à l’impact négatif de ces PAS sur les populations du pays, la banque mondiale décide de réagir en lançant des projets massifs dits de développement pour venir en aide aux populations démunies par une situation créée par son cousin le FMI. Très vite, elle dépasse ses prérogatives, se substitue à l’Etat parfois et lance des projets coûteux inutiles et sans prise en compte des besoins réels des populations.

C’est avec courage que Aminata Dramane Traoré continue son combat encore aujourd’hui. Elle a fait l’effort de produire ces oeuvres. Il est de notre responsabilité d’en prendre connaissance et d’en diffuser le contenu. 

C’est en lisant ce genre de livres que je me rends compte de l’importance des luttes menées par nos aînés. Il est grand temps que cet échange intergénérationnel si important et qui manque tant sous nos cieux ait lieu afin que nous puissions reprendre le flambeau.

Il me tarde de lire « Afrotopia » pour voir quelles alternatives proposent Felwine SARR. Il ne s’agit pas de rattraper les pays développés mais plutôt de définir le modèle économique et social qui nous convient le mieux en préservant les valeurs qui nous sont chères.

Avec passion,

Dyna.