Du Cameroun au Mozambique entre guerres d’indépendance et leaders charismatiques

D’aucuns pensent que la lecture de romans ne contribue en rien à l’élévation de l’esprit. Ils associent cette activité à du divertissement, rien de plus. Selon eux, seuls les essais sont salvateurs pour l’esprit humain, en déclin un peu plus chaque jour. Pour être cultivé, il faut lire des livres sérieux.

Je vous arrête tout de suite, le roman est une arme redoutable. Il est possible d’y apprendre énormément de choses sur la culture d’un pays, son histoire, ses problèmes sociaux ou encore ses enjeux politiques. Le roman est en cela une mine d’informations rendues digestes par le caractère fictionnel.

Il met en lumière des situations inégalitaires ou injustes. Il permet d’informer, de dénoncer, d’humaniser, de rendre hommage, de célébrer etc. Les auteurs ayant dû quitter leurs pays pour trouver refuge dans un autre Etat pourront en témoigner.

Je vous fais part de cette réflexion aujourd’hui car récemment, deux romans me l’ont encore démontré. Il s’agit de “Neighbours” de l’auteure mozambicaine Lilia MOMPLE (c’est bien la version française) et “Les Maquisard” de la Camerounaise Hemley BOUM.

“Neighbours” est un roman de 170 pages qui se déroule au cours d’une longue nuit de mai au Mozambique. On y rencontre les habitants de trois maisons voisines qui, de prime abord, ne semblent avoir aucun lien.

Tout au long de l’histoire, l’auteure nous présente chaque personnage en remontant le fil de sa vie jusqu’au dénouement tragique qui révèlera ce qui lie les différentes familles.

Le roman est court et intense. La tension monte progressivement. On a très vite conscience que quelque chose de grave est sur le point de se produire et cela nous tient en haleine.

L’auteure place la petite histoire dans celle plus grande du Mozambique. Elle nous offre rapidement un panorama des grands événements qui ont marqué l’histoire du pays avec notamment la guerre d’indépendance qui a duré une dizaine d’années et l’ingérence de l’Afrique du sud raciste durant cette même période.

En plus de ces rappels historiques, Lila MOMPLE décrit la dure condition féminine au Mozambique avec le destin bouleversant de femmes privées de leur libre arbitre et soumises aux diktats de la société patriarcale.

“Neighbours” est en somme un roman bref et très instructif. Tous les thèmes évoqués plus haut sont introduits de manière concise et subtile.

Le second roman “Les Maquisards” se déroule quant à lui au Cameroun. Il révèle un pan inconnu de l’histoire du pays : l’engagement des Bassas dans la lutte d’indépendance en redonnant vie au leader charismatique Ruben Um Nyobè, également méconnu du grand public.

Dans le même esprit que “Neighbours”, Hemley BOUM nous offre avec “Les Maquisards” une fresque familiale passionnante qui s’inscrit dans la grande histoire camerounaise.

J’ai particulièrement été bluffée par les techniques utilisées par le peuple Bassa pour repousser l’oppresseur. C’était tout simplement brillant au vu des maigres moyens dont ils disposaient.

Ils avaient infiltré toutes les couches du pouvoir et faisaient véhiculer les informations à une vitesse surprenante à travers le bouche à oreille. Le système mis en place ressemblait énormément à celui de “l’Underground Railroad” imaginé par les esclaves noirs d’Amérique pour fuir le sud esclavagiste et rejoindre les Etats libres du Nord.

Au-delà du contexte historique, l’auteure nous initie aux rites et traditions du peuple Bassa. J’étais en constante admiration devant les prouesses et le statut des femmes du ko’o à travers le personnage emblématique d’Esta, la lionne. Mais quelle femme !

Enfin, l’auteure nous dévoile le combat de Ruben Um Nyobè assez méconnu du public. Cet homme charismatique s’est battu pour la libération de son peuple et a été sauvagement assassiné par l’occupant en 1958. Le Cameroun sera néanmoins indépendant peu de temps après mais sans doute dans une aliénation maintenue comme dans beaucoup de pays africains.

Si je devais émettre une réserve, ce serait sans doute sur la prédominance du côté fictionnel. J’aurais préféré que le contexte historique soit un peu plus développé car il était tout simplement passionnant. C’est sans doute pour cela que je me suis empressée d’acheter l’essai “La guerre du Cameroun – L’invention de la Françafrique “ afin d’approfondir mes connaissances sur la question.

En somme, ces deux livres m’ont appris énormément de choses et je ne peux que vous exhorter à lire davantage de romans.

Avec passion,
Dyna.