Papa m’a prise dans ses bras, je peux mourir tranquille

Si j’avais su que c’était la dernière fois que je te voyais passer la porte, je t’aurais prise dans mes bras, je t’aurais embrassée et je t’aurais rappelée pour te refaire des câlins

Gabriel Garcia Marquez

Le jour de mon mariage, papa m’a prise dans ses bras.

Au retour de la mairie où nous nous étions dit “oui” Voltan et moi, je me suis avancée vers lui pour l’embrasser comme à l’accoutumée. Il s’est alors emparé de moi et m’a enveloppée de ses bras robustes en me chuchotant à l’oreille “félicitations”.

Papa était ému, je le sentais à son regard et à sa voix un peu cassée…

Ce jour-là, pour la première fois depuis… depuis toujours, papa m’a prise dans ses bras.

Il a fait ce que je tentais de faire depuis des années déjà…

À l’approche de chaque voyage au Mali, je me donnais pour mission de le serrer enfin dans mes bras, cet homme qui m’a tant donné et que j’aime profondément.

Car comme Aya Cissoko le dit si bien dans ce passage de “Danbé”,

On ne s’embrasse pas chez nous, on ne se serre pas dans les bras, on ne se parle pas pour ne rien dire. Ce n’est pas ainsi que vont les choses.[…].

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Toute mon enfance “éveillée” s’est déroulée ainsi, sans démonstration d’affection… Nous devinions l’amour inconditionnel de nos parents à travers les attentions du quotidien.

Nous étions au centre de leurs préoccupations. Ils nous donnaient tout mais nous ne nous touchions pas, nous n’exprimions pas nos sentiments.

Je n’ai pris conscience de mon côté affectueux que bien plus tard. Incorrigible romantique, j’exprime mes sentiments à travers le contact physique et émotionnel. A coup de câlins et de déclarations enflammées.

Ainsi, depuis que je suis adulte et que j’ai pris conscience de la violence de l’existence, je dévoile souvent l’essence de mon âme. Petite maman se fait câliner dès que j’en ai l’occasion et mes sœurs reçoivent des mots d’amour…

Avec papa, c’était jusque-là différent. Il représente une certaine autorité qui exige de la pudeur. Je ne peux jamais être complètement moi-même avec lui. Il en serait outré.

Mais depuis un certain temps, papa nous dit “qu’il nous aime bien”. C’est le maximum qu’il puisse faire et c’est déjà un grand pas.

Je m’étais conditionnée à me contenter de cela pour le restant de nos jours. Quelle ne fut pas ma surprise lorsqu’il me prit dans ses bras ce fameux jour…

Papa, par ce geste, a fait de moi la femme la plus heureuse au monde le jour le plus heureux de ma vie. Je ne l’oublierai jamais.

Avec passion,

Dyna.