La maladie s’installe en vous lentement puis avec violence – Échanges avec Mariama Bâ

Je me sens de plus en plus proche de cette mère spirituelle qui n’a cessé de m’émouvoir et de m’inspirer depuis l’adolescence.

Elle a été prématurément emportée par un cancer des poumons à l’âge de 52 ans. Dans les tourments de ces derniers instants, elle nous livre des fragments de pensées qui décrivent à merveille son désespoir et son attachement profond à la vie.

Dans ce qui suit, je me lance dans un échange indirect avec elle. Les paragraphes entre guillemets correspondent à ses écrits auxquels je rajoute progressivement ma vision et quelque part mon expérience.

“On se réveille debout, on s’étire. De l’air frais par la fenêtre ouverte, Les délices d’un bain tiède. Et l’on prend à bras le corps la journée. Pas le temps de visiter une connaissance. Point de répit pour s’asseoir ! De temps en temps bien sûr, une courbature désagréable qui ankylose les hanches, calmée très vite par des frictions. Et l’on avance ragaillardi, bâtissant des projets, gonflant des rêves.

Soudain la maladie.”

La malade s’installe en vous progressivement… 

D’abord discrète, par intervales irréguliers, aux moyens de petits signes çà et là, qui s’estompent toujours, trompant ainsi votre vigilance.

Puis avec violence. Par un diagnostic sans appel.

Alors débute une nouvelle phase de votre existance. Celle de la lutte quotidienne. 

“Et l’on ne sent plus la tiédeur du soleil. Dans l’angoisse qui noue la gorge, les mélodies musicales tombent comme des gouttes de fiel. Plus rien ne compte. Oubliée, la calomnie ignominieuse qui dépèce. Oublié, l’affront subi devant un fonctionnaire placide. […] Plus rien ne compte que ce corps qui ne répond plus, et que la fièvre massacre sournoisement. Plus rien ne compte que la vie menacée, et l’on oublie la sagesse populaire qui dit que la maladie et la mort sont parallèles même si elles se donnent souvent la main.”

Chaque jour nouveau est une épreuve mais aussi une victoire.

“L’effort d’écrire me décline de mes angoisses. Je ne veux pas mourir ! Je ne veux pas mourir ! Je ne souhaite pas mourir ! Quand je pense à mon parcours, que de regrets ! Je n’ai pas donné à certaines valeurs leur véritable contenu, axant effort et temps sur des futilités ! Il y a tant à faire dans ce monde ! Le prix d’un boubou que l’on garde pour la « fête » peut nourrir bien des orphelins…”

Après le désespoir des premiers instants, vient le temps de l’incompréhension, de la révolte même. Vous ne le méritez pas, il doit y avoir une erreur.

S’ensuit l’acceptation puis la résignation. Alors seulement vous renaissez.

Rien ne sera jamais plus pareil.

Votre bonheur réside désormais ailleurs. Dans les petites victoires du quotidien. Dans ces quelques moments d’introspection et de plaisir personnel. Dans les étreintes de vos proches. Dans le regard et les câlins de l’être aimé.

Dans cette passion nouvelle pour la vie que vous traversez avec déchaînement.

Plus rien n’est pareil mais la vie prend une dimension nouvelle et fort excitante.

À toutes les âmes hantées par la maladie, vous êtes des guerriers. 

Avec passion,

Dyna.