L’écrivain africain se doit d’être un intellectuel engagé au cœur de l’action

J’ai une certaine vision de l’écrivain qui je pense pourrait en troubler plus d’un. 

Lorsqu’à la question, “que fais-tu dans la vie ?”, l’on me répond “je suis écrivain.”, je suis toujours un peu surprise. Pour moi, être écrivain n’est pas un métier mais une mission, un choix de vie.

Cela est sans doute lié à mon histoire, à la place que j’occupe dans le monde en tant qu’africaine. Je suis peut-être aveuglée par le travail à abattre, les luttes à mener pour retrouver notre dignité. 

Selon moi, un écrivain est avant tout un être engagé. Il utilise son art et son talent pour défendre des causes plus grandes. Il dépeint la société et les Hommes qui la composent, dénonce les maux qui la gangrènent.

L’écrivain est un intellectuel et en tant que tel, il doit prendre part aux grands débats qui façonnent notre monde. En cela, il est le parent du philosophe. D’ailleurs, les deux choses sont intimement liées. Est-ce possible d’être écrivain sans d’une manière ou d’une autre philosopher ?

Cette vision de la chose conduit à se questionner sur la place de l’argent qui découle directement de la notion de métier. Gagner de l’argent en écrivant. Cela m’a toujours interpellée. Si le but recherché est de faire triompher la vérité, la question de l’argent ne devrait-elle pas être qu’accessoire ?

Cet argumentaire rejoint ce que j’avais précédemment dit au sujet de l’éducation et de la culture. Ce sont des biens inestimables qui devraient être à la portée du plus grand nombre.

Lorsque j’ai échangé avec Voltan sur la question, nos visions se rejoignaient pour une fois. Je lui ai expliqué le pouvoir de la littérature et le rôle prépondérant que cela pourrait jouer sur l’éveil des consciences.

Il a très vite évoqué le sujet de la valeur marchande du livre. Selon lui, c’est avant tout une transaction financière. Comment expliquer sinon le prix exorbitant ? Il était sceptique quant à l’impact que cela pourrait avoir sur le continent. Et c’est à juste titre.

Loin de moi l’idée d’affirmer qu’il est impossible de servir des causes justes tout en gagnant bien sa vie. Des écrivains l’ont d’ores et déjà prouvé par le passé. Néanmoins, la quête de la vérité devrait prendre le pas sur la recherche de la gloire ou du profit.

J’avais également évoqué avec Voltan la possibilité pour l’écrivain d’avoir un métier. Un travail qui lui permette de bien gagner sa vie afin que les travaux de l’esprit auxquels il s’adonne soient totalement désinteressés. Cette idée a également été écartée au vu du temps que prend l’écriture. (Même si certains écrivains arrivent à le faire aujourd’hui.)

Ces échanges avec Voltan me sont revenus à l’esprit après la lecture récente de “Si je suis encore en vie” du Nigérian Ken Saro-Wiwa. 

Dans son journal de détention, il semble être sur la même longueur d’onde que moi sur la question de la place de l’écrivain. Il estime que dans un pays comme le Nigéria, la littérature ne peut être dissociée de la politique. 

Selon lui, la littérature doit servir la société, en s’imprégnant dans la vie politique. Il va même plus loin en ajoutant que les écrivains ne doivent pas simplement écrire pour jeter un œil curieux et critique sur la société. Non, ils doivent jouer un rôle interventionniste. 

Saro-Wiwa poursuit en affirmant que l’écrivain doit être l’homme engagé, l’intellectuel homme d’action. Il doit prendre part aux organisations de masse, établir un contact direct avec le peuple et avoir recours à la force de la littérature africaine et à l’éloquence de son langage.

Enfin, il fait le lien avec les grands écrivains nigérians tels que Wole Soyinka, Chinua Achebe, Chris Okigbo ou encore Festus Iyayi. Tous se sont engagés en politique d’une manière ou d’une autre.

Si j’avais un don pour l’écriture, si j’étais créative, j’écrirais des livres qui empêcheraient les politiques de dormir. J’utiliserais mon art telle une arme pour faire triompher la vérité avec beauté et classe.

D’aucuns penseront que j’intellectualise trop la chose en écartant le côté divertissant de la littérature. Pas totalement. Il m’arrive de me divertir même en apprenant des choses importantes. 

Il n’est juste plus question de se divertir pour le plaisir de se divertir. Il y a beaucoup trop d’enjeux en Afrique.

Avec passion,

Dyna.