Pourquoi j’ai disparu et les raisons de mon retour… Pour la postérité

Je suis fatiguée. Cela n’est guère nouveau me diriez-vous. Non, la nouveauté réside dans la profonde lassitude qui me submerge. Ces derniers temps, je n’éprouvais plus cette envie de lire aussi pour les autres. De prendre plus de notes que nécessaire. De contraindre mon cerveau à trouver des points de convergence. D’imaginer sans cesse des moyens de “vendre” un livre, de le rendre plus attractif. D’être créative. De travailler à élargir ma communauté. Tout cela, dans le but ultime de mieux faire connaître les littératures africaines.

J’étais épuisée. Le cœur n’y était plus.

Mener simultanément plusieurs batailles n’est pas de tout repos. Je sécurise l’information financière le jour pour le compte de l’État, je m’évertue à faire rayonner les lettres africaines la nuit pour le bonheur des ancêtres. Entre les deux, il y a ce projet personnel qui me tient à cœur et auquel je consacre une bonne partie de mon énergie.

J’étais épuisée.

Je voulais simplement prendre mon temps. Prendre le temps de ne lire que pour moi. Uniquement pour le plaisir de lire. Sans annoter. Vivre intensément chaque page. Me souvenir finalement de l’essentiel, ce qui m’aura véritablement remué. Lire pour lire. Simplement ça.

Pourquoi tant donner si rien ne changera véritablement de mon vivant ? Le monde est de plus en plus déprimant. Il ne semble y avoir aucun espoir pour les sociétés africaines.

Je n’étais plus sûre de vouloir tant donner. Car ce que je fais là est un don de ma personne sans aucune autre forme de contrepartie que la satisfaction du devoir accompli.

C’est dans ce contexte de questionnements existentiels que je suis tombée sur ce passage de “1984” de George Orwell :

Il n’y a aucune possibilité pour qu’un changement perceptible ait lieu pendant la durée de notre existence. Nous sommes des morts. Notre seule vie réelle est dans l’avenir. Nous prendrons part à cet avenir sous forme de poignées de poussière et d’esquilles d’os. Mais à quelle distance de nous peut être ce futur, il est impossible de le savoir. Ce peut être un millier d’années. Actuellement, rien n’est possible, sauf d’étendre petit à petit la surface du jugement sain. Nous ne pouvons agir de concert. Nous pouvons seulement diffuser nos connaissances d’individu à individu, de génération en génération. En face de la Police de la Pensée, il n’y a pas d’autre voie.

Emmanuel Goldstein, p.235

Alors j’ai compris.

Il est fort probable que je ne fasse pas tout cela pour cette génération, ni même pour les cinq prochaines. Cela prendra le temps qu’il faudra car on peut tuer les Hommes mais les idées restent. Semer la graine dans deux esprits voire trois suffit parfois. Ces personnes, au fil de leurs interactions les transmettent dans leurs cercles et ainsi de suite… De générations en générations, nous finirons par faire triompher nos valeurs africaines. Nous embrasserons de nouveau nos cultures, nos langues, avec fierté. Nous reprendrons en main nos destinées pour ne plus jamais être le tas de fumier de l’histoire.

Voilà donc les raisons de mon retour. Goldstein, leader de la Fraternité, mouvement de lutte contre le parti de Big Brother, m’a convaincue de l’utilité de mon engagement. Je vais continuer de vous parler de littérature et de toutes ces choses qui font notre humanité afin de contribuer progressivement à une révolution des lecteurs.

Avec passion,

Dyna.