Citoyen de seconde zone ou la double peine du patriarcat et du racisme

Mon gros coup de cœur pour l’écrivaine nigériane Buchi Emecheta se confirme avec ce chef-d’œuvre. Il faut se l’avouer, elle sait y faire avec les mots. En moins de 300 pages, elle nous offre un roman dense qui éveille en nous des émotions vives.

J’ai voulu arrêter à plusieurs reprises. Mes nerfs étaient à bout. J’avais des envies de meurtre. Je crois que j’ai rarement autant détesté un personnage. Francis est un être exécrable, tout ce qu’il y a de plus vil chez l’homme. 

Le roman est d’inspiration autobiographique. Ce qui le rend d’autant plus difficile à encaisser.

On y rencontre Adah, fille d’un paysan du Niger, qui rêve de grandeur. Sa condition précaire dans une contrée nigériane ne lui convient guère. Elle veut étudier, s’envoler vers le Royaume-Uni, devenir quelqu’un.

C’est une enfant entêtée. Elle use de subterfuges pour être admise à l’école et n’hésite pas à voler son oncle pour s’inscrire au concours d’entrée d’une formation. 

Traitée comme une domestique dans la demeure de son oncle, elle décide de prendre son envol. Mais nous sommes au Nigeria et à cette époque, il est très mal perçu d’habiter seule dans un appartement lorsque l’on est une jeune femme.

C’est ainsi qu’elle décide de se marier afin de pouvoir continuer ses études dans un environnement sain. Elle jette son dévolu sur un jeune homme, Francis, le fameux. C’est bien là que commence son drame, le grand drame de sa vie.

Ils se retrouvent à Londres et doivent faire face au froid et au racisme. Adah supporte en sus les coups et caprices de son fainéant d’époux indifèle.

Buchi Emecheta, à travers cette histoire explore plusieurs thèmes. Il y a la question centrale de l’immigration et du racisme dont découlent parfois certains complexes d’infériorité. Elle nous dépeint également la société traditionnelle nigériane avec ses croyances et la situation parfois précaire des femmes.

J’ai beaucoup aimé la mise en avant du pouvoir de la représentation. Buchi à travers le personnage d’Adah rêvait de devenir écrivaine. Et pour se défendre auprès de ses détracteurs, le premier étant Francis son époux, elle leur parlait de Flora Nwapa, pionnière des lettres modernes africaines. Si Flora, femme et noire l’a fait, pourquoi pas elle ?

Et elle a tenu parole en devenant aujourd’hui l’une des écrivaines africaines majeures de son temps.

Il me tarde de dévorer la suite de son œuvre.

Avec passion,

Dyna.