Encore une fois bouleversée par la si longue lettre de Mariama Bâ

Hier soir, aux prises avec une insomnie, je tournais avec frénésie les pages de l’un des livres qui a le plus marqué ma vie : “Une si longue lettre” de Mariama Bâ.

Je le dévorais pour la troisième fois mais il me procurait encore des sensations indescriptibles. Ce livre est un chef-d’œuvre absolu qui traversera à jamais les âges.

Hier soir, dans mon lit, je retrouvais avec émotions, Ramatoulaye, ma Ramatoulaye. Cette femme que j’aime comme une mère. 

Éprouvée par les épreuves, elle traverse les affres de la vie avec grandeur et dignité.

Et elle aime, elle aime passionnément. Elle est « de celles qui ne peuvent se réaliser et s’épanouir que dans le couple ». Elle n’a “jamais conçu le bonheur hors du couple”, tout en comprenant le choix des femmes libres.

À Aïssatou, elle dit : “Tu ignores ce que se marier signifie pour moi : c’est un acte de foi et d’amour, un don total de soi à l’être que l’on a choisi et qui vous a choisi.”. En cela, elle me ressemble tant.

Aïssatou, son amie, est partie, elle, a décidé de rester. Elle n’en est pas moins forte. Car elle se battra, à sa manière, pour subvenir aux besoins de ses douze enfants. Jamais elle ne courbera l’échine sous le poids des responsabilités. Elle acceptera son sort et vivra pleinement sa souffrance.

Elle est ainsi faite Ramatoulaye, entière, elle vit intensément bonheur et infortune. Car pour vaincre sa rancœur, elle pense à la destinée humaine.

Chaque vie recèle une parcelle d’héroïsme, un héroïsme obscur fait d’abdications, de renoncements et d’acquiescements, sous le fouet impitoyable de la fatalité.

Et que dire de cette amitié touchante entre Ramatoulaye et Aïssatou ? Comment ne pas être sensible à des liens si profonds et si désintéressés, moi qui aime passionnément mes amies ?

L’amitié a des grandeurs inconnues de l’amour. Elle se fortifie dans les difficultés, alors que les contraintes massacrent l’amour. Elle résiste au temps qui lasse et désunit les couples. Elle a des élévations inconnues de l’amour.

Ce livre m’a une fois de plus bouleversée. Mais cette fois, j’ai versé des larmes, pour la toute première fois… Ramatoulaye est réelle pour moi et je l’aime profondément. Sa philosophie de vie m’émeut, son verbe m’émerveille, son grand cœur et sa résilience m’apaisent, son regard critique sur sa société me stimule.

Cette troisième lecture m’a édifiée sur bien d’autres aspects profonds de cette œuvre inoubliable. Mariama Bâ y entreprend une dissection méticuleuse de sa société avec une succession de dénonciations subtilement insérées tout au long de la lettre.

Polygamie bien-sûr, mais aussi violence du deuil, mysticisme, poids de la famille sur le couple, charge mentale des femmes, dépression, lévirat, place de la femme en politique, mise en lumière d’une société prise au piège entre rêve de modernité et respect des traditions, éducations des filles dans une société en pleine évolution etc. Tant de thèmes condensés dans un si petit ouvrage. Quel exploit !

Je pourrais vous parler encore des heures de ce livre… Mais bon, restons-en là, enfin pour le moment.

Avec passion,

Dyna.