Se libérer des blessures du passé

C’est avec une légère crainte que je me suis plongée dans le 11e et dernier roman de Toni Morrison. L’expérience peu concluante de “Home” me trottait encore dans la tête. Qu’à cela ne tienne, je me suis laissée tenter.

Le roman s’ouvre sur ces propos effroyables d’une mère à l’endroit de sa fille :

Il n’a pas fallu plus d’une heure après qu’ils l’avaient tiré d’entre mes jambes pour se rendre compte que quelque chose n’allait pas. Vraiment pas. Elle m’a fait peur, tellement elle était noire. Noire comme la nuit, noire comme le Soudan. Moi, je suis claire de peau, avec de beaux cheveux, ce qu’on appelle une mulâtre au teint blond, et le père de Lula Ann aussi. Y a personne dans ma famille qui se rapproche de cette couleur. Ce que je peux imaginer de plus ressemblant, c’est le goudron; pourtant, ses cheveux ne vont pas avec sa peau. Ils sont bizarres : pas crépus, mais bouclés, comme chez ces tribus qui vivent toutes nues en Australie. »

p.13

Cette fille c’est Bride, trop noire à la naissance, abandonnée par son père, rejetée par sa mère qui ose à peine la toucher.

Elle se construira dans la douleur de ce rejet et tentera coûte que coûte de gagner l’amour et l’attention de sa mère.

Tantôt objet de dégoût, tantôt fantasme des mâles blancs, elle apprendra à apprivoiser cette couleur de peau dans une Amérique du 21e siècle toujours en proie au racisme.

Décidément, le spectre de “l’œil le plus bleu” continue de me hanter. Elle a placé la barre trop haut. “Délivrances” se lit bien et aborde des thématiques connues sous un angle novateur. Pour autant mes attentes sont loin d’avoir été comblées. Je n’ai pas retrouvé la complexité et la profondeur des personnages morrisiens.

Si vous êtes friands des histoires d’amour compliquées et des questions raciales dans un contexte contemporain, je vous conseille vivement ce livre.

Encore sept romans de Toni Morrison à découvrir et autant de potentiels chefs-d’œuvre. Je garde espoir.

Avec passion,

Dyna.