La polygamie en littérature

Je me connais. Je connais mes limites. Pour moi, « polygamie » rime souvent avec malheur, tristesse, jalousie, déchéance … Ce sentiment s’est construit au fil de mes lectures, de mes échanges avec des femmes « victimes », de mes constats personnels…

Amour. Cinq lettres rimant avec unicité. J’entends de loin  Ken Bugul s’esclaffer : « Ah ces petites femmes modernes avec leur obsession pour l’exclusivité ! ». Je dois avouer qu’elle m’a presque convaincue de la beauté de la polygamie dans « Riwan ». Je dis bien presque. Il ne faut pas rêver.

Âme-sœur. Je suis de celles et ceux qui croient au grand amour. Romantique à outrance, je ne conçois le mariage qu’à travers ce socle, cette base solide. Les autres éléments, tout aussi nécessaires, viennent ensuite se greffer autour pour former un tout inébranlable… Une union pour la vie… Devant Dieu et les hommes… Je sais, je m’égare.

Union. Il est difficile de parler d’amour passionnel lorsque l’on a 28 épouses. Dans certains cas, l’arrivée de la seconde épouse est la conséquence même de l’extinction de la passion liant le polygame à sa première épouse. Cette dernière est ainsi délaissée.

Je pensais avoir fait le tour de la question. Avec « Une si longue lettre », j’ai découvert, la très digne Ramatoulaye, femme abandonnée par son époux au profit de la seconde épouse. Dans « Riwan », Ken Bugul m’a fait entrevoir la beauté pouvant résider dans cette union. On y parle de polygamie choisie. Enfin, Paulina Chiziane, dans « le parlement conjugal », nous présente la révolte de femmes trompées au Mozambique.

« Baba Segi, ses épouses, leurs secrets » apporte un autre regard sur la pratique. Si je m’attendais à cela ! Nous sommes au Nigeria. Baba Segi, patriarche illettré et influent, a déjà trois épouses : Iya Segi, Iya Tope et Iya Femi. L’arrivée de la dernière, Bolanle, jeune femme instruite et mystérieuse, va bouleverser la quiétude du foyer et révéler au grand jour un secret effroyable.

J’ai beaucoup aimé la construction de l’œuvre. C’est un roman polyphonique et je raffole de ce mode de narration. L’histoire est intéressante même si l’on devine assez tôt le secret. L’auteure explore plusieurs thèmes : les injustices subies par les femmes, la question de l’infertilité, les dangers de la polygamie, la sexualité etc. Elle expose au grand jour le climat toxique qui peut régner au sein d’un foyer polygame, de la manipulation de l’époux à celle des enfants (par les épouses) conduisant irrémédiablement à un dénouement tragique.

Je pense que vous commencez à me connaître. Il me faut être bouleversée, profondément touchée, retournée, scotchée pour qualifier une œuvre de chef-d’œuvre. Cela ne s’est pas produit. Pourtant tous les bons ingrédients étaient réunis : des personnages aux destins tragiques et au passé trouble, une écriture fluide, un sujet intéressant… J’ai relu des chapitres entiers en français pour m’assurer que ce n’était pas dû à la langue anglaise.

Enfin bref ! J’ai tout de même donné trois étoiles au livre sur Goodreads car la fin m’a dévastée. Pour mieux me comprendre, je vous laisse avec ce passage révélateur : « When the time comes for you to marry, take one wife alone. And when she causes you pain, as all women do, remember it is better that your pain comes from one source alone. Listen to your wife’s words, listen to the words she doesn’t speak, so that you will be prepared. A man must always be prepared.»p.238

Avec passion,

Dyna.