La malienne

Je suis profondément attachée à mes racines…

Pourtant, mon peuple est à genoux…

À genoux car les espoirs sont déchus… L’époque radieuse des indépendances est révolue… Les promesses n’ont pas été tenues…

À genoux car le sang coule… Des innocents sont régulièrement tués… la guerre fait rage…

À genoux car des milliers d’enfants sont déscolarisés… privés ainsi de ce bien si précieux qu’est le savoir… L’obscurantisme s’épaissit… Les ténèbres se referment sur nos esprits…

À genoux car la misère règne… le chômage fait rage… les jeunes sont désœuvrés… les élites détournent le regard…

Je suis révoltée, mon cœur est meurtri…

Mon peuple est à genoux…

…Mais je reste profondément attachée à mes racines.

Point de fierté à affirmer ma nationalité car ce qu’il y a de plus grand sur nos terres, nos valeurs et notre culture riche, est masqué par la guerre, la corruption et tout le reste…

Malgré tout, je reste profondément attachée à mes racines…

Ces terres ont façonné mon enfance et défini les contours de ma personnalité; le Nord a peaufiné des bases saines déjà bien ancrées…

Renier ces racines serait nier mon identité profonde, l’occulter…

Je suis Dyna, la malienne, ces racines-là, j’y reste profondément attachée…

À l’aube de mon existence, je croyais mon père invincible, ma grand-mère immortelle et ma patrie puissante…

J’ai appris l’hymne national avec fierté et, pendant trois années, je l’entonnais religieusement, chaque matin, avec mes semblables…

Des mots rassembleurs… Un appel à une Afrique unifiée… Un peuple, un but, une foi… J’en avais des frissons…

Le réveil fut brutal…

Au nord, je n’étais plus que Dyna, l’Africaine. Ce pays que j’avais tant chéri était noyé dans la masse de médiocrité qu’était mon continent aux yeux du monde…

J’ai pris conscience de mes origines mais surtout de ma couleur de peau…

Je compris assez tôt que mon père était vulnérable; j’ai appris que ma grand-mère s’en était allée et je réalisai que mon pays n’avait aucun pouvoir…

La prise de conscience fut effroyable…

Il serait si facile de rester au Nord en menant une existence simple… Quel choix judicieux que de gagner mon pain dignement à l’abri de toute contrainte matérielle et psychologique !

Mais quel sens aurait une telle vie ?

Comment pourrais-je me regarder dans la glace chaque matin ? Comment abandonner ces terres qui ont bercé mon enfance et fait de moi celle que je suis ?

Je ne sais rien mais j’en sais déjà trop. Je ne puis rester de marbre.

À la fin de mon existence, lorsque je tirerai ma révérence, aucun monument ne sera érigé en mon nom… mais j’aurai aimé de tout mon cœur et de toute mon âme, mon bien aimé et mes sœurs… ma patrie et mes parents… mes semblables et mes passions… j’aurai aimé et j’aurai aidé car chaque jour est une lutte.

Une lutte contre l’injustice sociale ! Une lutte contre l’obscurantisme !

Avec passion,

Dyna.