La Grève des bàttu, un combat pour la justice sociale

Aminata Sow Fall. J’en ai longtemps entendu parler sans prendre le temps de creuser. Il faut dire qu’il y a tant d’auteurs à découvrir.

Et un jour quelque chose se passe. Je tombe sur un article du monde et la magie opère. Aminata Sow Fall s’y dévoile et garde une position ferme face aux critiques.

J’y découvre une femme dont les valeurs ne sont pas si éloignées des miennes. L’écriture s’impose à elle à 32 ans lorsque, de retour au Sénégal dans les années 70, elle retrouve un pays pris en otage par une nouvelle bourgeoisie qui exhibe ses richesses et méprise les pauvres.

Pour ce qui est des critiques, ses détracteurs l’accusent de ne pas suffisamment aborder la condition féminine dans ses écrits. Car dans l’imaginaire collectif, lorsque l’on est femme et africaine, il faut absolument parler de polygamie ou d’excision.

Aminata Sow Fall s’y refuse. Elle place l’humain au cœur de son œuvre. Elle donne voix à tous ces miséreux qualifiés avec violence de « déchets humains » par certains nantis. D’ailleurs c’est le terme utilisé un jour par un politicien sénégalais pour qualifier les mendiants qui occupent les rues de Dakar. Selon lui, il fallait s’en débarrasser afin de rendre la ville plus attractive pour les touristes.

Aminata Sow Fall, indignée, part de cette idée pour produire son oeuvre magistrale « La Grève des bàttu ».

Le livre s’ouvre sur un article de journal effroyable :

Ces mendiants, ces talibés, ces lépreux, ces diminués physiques, ces loques, constituent des encombrements humains. Il faut débarrasser la ville de ces hommes – ombres d’hommes plutôt – déchets humains, qui vous assaillent et vous agressent partout et n’importe quand. Aux carrefours, c’est à souhaiter que les feux ne soient jamais rouges ! Mais une fois que l’on a franchi l’obstacle du feu on doit vaincre une nouvelle barrière pour se rendre à l’hôpital, forcer un barrage pour pouvoir aller travailler dans son bureau, se débattre afin de sortir de la banque, faire mille et un détours pour les éviter dans les marchés, enfin payer une rançon pour pénétrer dans la maison de Dieu. Ah ! Ces hommes, ces ombres d’hommes, ils sont tenaces et ils sont partout !

p.11

L’histoire se déroule à Dakar au Sénégal. Le directeur du service de la salubrité de la ville a reçu pour ordre du ministre de procéder aux « désencombrement humains » afin de ne pas déranger le tourisme en plein essor. S’ensuit alors des rafles, toujours plus violentes afin de repousser les mendiants dans les zones périphériques.

Aminata Sow Fall se questionne, que se passerait-il si les mendiants se mettaient en grève ?

On le découvre peu à peu dans le livre. La population est désemparée. A qui adresser ses prières dans un pays encore fortement marqué par les croyances anciennes ? A qui faire les dons préconisés par le marabout du coin ? Toute la vie sociale du pays s’en trouve bouleversée.

Avec cette œuvre, Aminata Sow Fall issue de la petite bourgeoisie, démontre son vif intérêt pour les causes sociales de son pays et redonne toute leur humanité à « ceux qui ne comptent pas ». Une femme admirable !

Je vous en parle également dans le premier épisode du podcast AKWABOOK.

Avec passion,

Dyna.